« Les gens me voient comme une dangereuse criminelle. Mais ils ont tord. Contrairement à ce que l'on peut penser de moi, je ne pourrais jamais abattre une femme ou un enfant, ou qui que ce soit de sang froid sans rien ressentir par la suite. J'avoue que j'ai fait des choses que je préfèrerais oublier, mais ce n'était pas de ma faute. Je n'avais pas le choix. Nous n'avions pas le choix. C'est ainsi & ça ne changera jamais.
Quand on me connait depuis peu de temps, on ne comprend pas pourquoi je suis aussi froide, lunatique & silencieuse. Je pourrais en effet être une fille drôle, extravertie, & pleine de joie de vivre. Mais je ne peux pas. Je ne pourrais jamais. Si je parle trop de moi, de mon passé, je suis morte. Vous savez, je suis un peu comme un loup. On a beau me penser mauvaise, j'ai tout simplement peur. Peur de me faire prendre, peur de faire le moindre pas de travers. Il est vrai que nous avons tué deux, trois, peut-être quatre hommes, mais ce n'est pas pour ça qu'il faut nous juger. Vous ne connaissez pas tous les détails de notre histoire. & ne me demandez pas de vous les raconter. Ces choses ne regardent que moi. Puis vous ne comprendriez pas. On m'a déjà dit de me rendre, que fuir ne faisait qu'aggraver la situation & donner une preuve de ma culpabilité. Mais je n'ai pas peur d'aller en prison. J'ai peur de me faire avoir par les autres. Ceux qui me veulent réellement du mal. Ceux qui ne demanderaient même pas à avoir ma version des faits & qui me foutraient une balle dans la tête avant que j'aie eu le temps de dire "ouf".
Vous savez, je ne veux pas de votre pitié. Ni même d'un quelconque pardon. Je ne regrette pas ce que j'ai fait. S'il le fallait, Clyde & moi le referions encore des centaines de fois si c'était nécessaire pour enfin trouver notre liberté. Le truc c'est que nous ne l'aurions pas tant qu'on ne nous oublie pas. Alors on se cache, encore & encore. Nous nous sommes même séparés pour avoir plus de chances d'échapper à toute cette histoire. C'est tellement compliqué. J'avoue que je me sens souvent dépassée par les évènements, mais je ne peux pas. Je dois rester concentrée, vigilante. De toute façon, si je ne bouge pas, je ne risque rien. Il ne me reste plus qu'à attendre, encore & toujours, jusqu'à ce que les noms de Bonnie & Clyde s'effacent totalement de vos mémoires. »

▬ Vu comme ça, ma vie, ma personnalité ou encore mon physique vous semble dans un gros nuage. Comme un gros fouillis d'où on ne perçois ni le début ni la fin. Vous n'avez pas l'impression d'en connaître plus sur moi. & pourtant, presque tout y est. Pour résumer mon histoire, je suis nouvelle à Buenos Aires. Personne ne sait d'où je viens, & je ne compte pas le révéler. Ca serait presque du suicide que de raconter à n'importe qui que moi & mon copain de l'époque avons tué mon beau-père parce qu'il me battait & était un salopard, & que depuis nous sommes en fuite. Nous fuyons à la fois la police, & la mafia. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui nous effrayent le plus. Car s'ils nous attrapent, la partie est finie. & si l'on se rend à la police, les autres finiront par nous avoir d'une manière ou d'une autre.

Ce qui explique mon caractère un peu spécial. Comme je l'ai déjà dit, je n'aime pas trop quand les gens s'attachent à moi, car ça implique que je leur doit certaines explications sur mon passé. & je n'aime pas faire ça, ça me met aussi bien moi en danger que eux. & je ne veux pas que d'autres personnes soient impliquées dans mon merdier profond & obscur. & puis comme il y a toujours un risque que je doive partir, ça serait trop dommage de laisser derrière moi des gens qui tiennent à moi. Alors autant qu'il ne me connaissent pas. Je n'en dirais pas plus sur mon caractère, car ça s'arrête là. Mes mésaventures m'ont un peu traumatisée, donc je ne suis pas une fille bavarde & confiante. Je ressemble plus à un fantôme qu'à autre chose. Un jour, peut-être, tout rentrera dans l'ordre.

Pour ce qui est de mon physique, je ressemble encore à une gamine. Je ne suis pas bien épaisse ni lourde, & mon visage fait plus penser à une fille de douze ans que de vingt-et-un. Il y a comme un air d'innocence qui plane sur lui. Je ressemble à une pauvre petite bête sans défense. Un petit lapin, ou une petite souris qui essaye d'échapper au méchant prédateur qui lui court après. Mon regard d'azur est sûrement ce qui me trahit le plus. Il est profond. Assez profond pour laisser transparaître beaucoup de choses sur la personne que je suis aujourd'hui. C'est sûrement pour ça qu'on me pose toujours des questions embarrassantes. On veut tout savoir de moi, car ça se sent que j'ai vécut pas mal de choses. Ensuite, comme vous pouvez le voir, mes cheveux sont plutôt longs, bruns & je peux y faire ce que je veux. Les friser, les boucler, les lisser.

Je ne sais franchement pas quoi dire de plus. Tout est mélangé dans ma tête. Un peu comme si une tempête était passée à travers mon crâne & avait tout remué, tout chamboulé.